Aquaculture : A la découverte d’une écloserie privée à Mbodiène

Comptoir de Recherche Aquacole

A la découverte d’une écloserie privée à Mbodiène

Guy Gohier est un promoteur privé qui a innové. Ce Français installé au Sénégal depuis 2000 a mis en place, à Mbodiène, une écloserie pour la production à grande échelle et la commercialisation des alevins. Toutefois, l’écloserie qui a une capacité de 10 millions d’alevins n’en a produit que 7,5 millions en 2016. Guy Gohier limite la production des alevins, à cause de la mévente qui freine ses ambitions.

En toile de fond, des bassins remplis d’eau où nagent des poissons. En fond sonore, un bourdonnement causé par le mouvement de l’eau dans les installations aquacoles… Sise à Mbodiène, dans le Département de Mbour, à une centaine de kilomètres au Sud de Dakar, l’écloserie de Guy Gohier fait de la production d’alevins à grande échelle. « En 2016, nous avons produit 7,5 millions d’alevins », précise ce français d’âge mûr, gérant du Comptoir de Recherche Aquacole et Mytilicole du Sénégal (CRAMS). La société a été créée en juin 2010  et depuis 7 ans, elle a évolué  technique. « On a essayé de faire réellement du haut de gamme technique », note-t-il. Guy Gohier a passé deux ans à mettre en place un stock de géniteurs qu’il est parti prendre aux quatre coins du Sénégal (Podor, Matam, Ziguinchor, Saint Louis, …). « J’ai été partout pour avoir des arrivées de géniteurs différents sur des « Wass » (tilapias) de base et on en a des rouges, des verts, des bleus, des noirs ». La société a fait grossir toutes ces espèces avec une sélection systématique du moindre défaut.

Intelligence du poisson

« Au bout de deux ans, on a la plus belle race de géniteurs sénégalais de «  wass », sans aucune pathologie. La diversité des espèces fait qu’on aura jamais de consanguinité et donc on a des poissons de première qualité », explique-t-il. Ici, on est en circuit fermé, avec une filtration au moyen de 3 plantes. A chaque fois que l’eau fait un circuit, elle est nettoyée et enrichie avec les plantes. « Cela va nous permettre de travailler sans produits chimiques ni produits vétérinaires ». Ce promoteur privé dispose de deux puits et il a la possibilité de tirer l’eau de la lagune de Mbodiène jusqu’à son Centre de recherche aquacole. Guy Gohier produit des alevins d’eau douce et des alevins d’eau de mer. Dans toutes les cages, il y a 20 femelles et 5 mâles, soit un mâle pour 4 femelles. « On récupère les bébés, de tout-petits, qu’on met à part. On a produit 7,5 millions d’alevins en 2016 et cette année,  on va atteindre les 10 millions d’alevins. On pourrait même faire plus, mais je n’arriverai pas à  les vendre », fait-il observer. Selon lui, une femelle va pondre 800 œufs, 8 fois par an. Donc une femelle pond au moins 6.400 œufs chaque année. Les capacités de production d’alevins sont donc énormes quand on sait qu’il y a plus de 3.000 femelles en actions.

Mévente des alevins

Après la production des alevins, il y a le sexage. « Si dans un bassin, je mets 1.000 poissons mâles et femelles, dans 3 mois, je vais avoir 30.000 poissons. Le poisson a une intelligence à lui ; il va adapter sa taille au nombre qu’il est et au volume d’eau dans lequel il vit », éclaire le spécialiste. Plus le poisson copule, plus il est nombreux. Et plus le poisson est nombreux, plus il est petit. C’est un fait scientifique qui s’appelle le nanisme. Pour éviter ce phénomène, il faut être capable de procéder au sexage des alevins, de façon à avoir des mâles pour le grossissement. Cela consiste à enlever aux alevins leur vie sexuelle, en transformant tous les alevins en mâles, souligne-t-il. Après la reproduction qui nécessite des mâles et des femelles, on va influencer les chromosomes des bébés pour qu’ils soient Y-Y, donc qu’ils deviennent tous des mâles. Ainsi, si on met 1.000 sexés dans un bassin, au bout de 3 mois, on aura toujours 1.000 poissons. Ils ne vont pas monter en nombre, donc ils vont adapter leurs tailles au volume du bassin et ils vont par conséquent grossir.

Limitation de production

« Là, on aura un vrai résultat. Le Sénégal n’aura un retour pour l’aquaculture que quand il appliquera ce processus », insiste le spécialiste. Cependant, à cause de la mévente des alevins, Guy Gohier  limite la production. Il ne sait pas exactement si la mévente des alevins est liée à un problème de moyens des entrepreneurs, ou à un manque d’information de la clientèle. L’autre raison liée à la mévente de ses produits est que, selon lui, l’achat des alevins n’est pas encore entré dans les mœurs. Toutefois, il faut préciser que si ce promoteur privé vend ses alevins, l’Etat à travers l’Agence Nationale de l’Aquaculture (ANA) produit et distribue gratuitement les alevins aux pisciculteurs privés. Une donne qui pourrait expliquer les difficultés de Guy Gohier à écouler ses alevins. 

 

Joseph SENE

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